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Végétalisation Participative rue Dénoyez
26 septembre 2010

Un article intéressant

Les guérilleros jardiniers, à l’assaut du flower power  par Philippe Jost

Un peu partout sur la planète, des jardiniers clandestins prennent d’assaut des espaces urbains abandonnés pour en faire des îlots de verdure. Armés de pelles et de bombes à graines, ces gangs de l’arrosoir ensemencent de nuit les friches, détournent les affiches de pub, transforment les terrains vagues en oasis de fleurs. Incursion dans le monde du terrorisme tendre.

Avez vous déjà entendu des bruits de pelles dans votre sommeil et retrouvé le lendemain matin un rond-point jusque-là négligé rempli de primevères, de jonquilles, de tournesols ? Ou bien croisé des personnages étranges, en combinaison orange et lampe frontale, se baladant la nuit avec des bêches, des râteaux et des arrosoirs ? Ou encore vu du lierre ou des narcisses surgir d’une affiche de pub ? Si c’est le cas, peut-être avez-vous été témoin d’une opération de « guerrilla gardening », cette nouvelle rébellion verte qui s’est donné pour objectif d’embellir en douce les espaces publics laissés à l’abandon. Seuls ou en groupes, un peu partout sur la planète, à Londres, New York, Paris, ces nouveaux adeptes du « flower power » prennent ainsi d’assaut les rues des mégapoles à la recherche de terrains vagues ou de massifs floraux publics décrépis pour les transformer en îlots de verdure. Ils ont un mot d’ordre : « Combattons la crasse avec des fourches et des fleurs ». Et une stratégie : de nuit, lorsque la police se fait rare, ils camouflent leurs équipements dans le coffre de leurs voitures, et se dirigent vers leurs champs de bataille. Des friches urbaines se transforment ainsi en oasis, des ronds-points en potagers, des containers d’encombrants se tapissent de fleurs, d’austères statues sont coiffées d’herbe et des moissons sont récoltées sur des terrains vagues. Tout cela sans permis des autorités dûment patentées.

« La guérilla jardinière est une forme d’action directe qui utilise le jardinage pour réenchanter l’espace urbain, dit Richard Reynolds, le gourou du mouvement. D’un continent à l’autre, comme une réponse à la diminution des espaces verts en ville, nos membres veulent faire un pied de nez au « tout béton ». C’est un combat pour la liberté de rêver. Une guerre pacifiste où les fleurs remplacent les bombes et les balles.... »

Les racines du phénomène

Le jardinage clandestin a fait sa première apparition il y a plus de trois siècles, alors que le Britannique Gerrard Winstanley, à la tête des Diggers (Les « Bêcheurs »), défendait le droit de travailler la terre sans le consentement des propriétaires terriens et sans leur payer de redevances. Le groupe cultivait les terres inutilisées des nobles autour de Londres, pour nourrir les plus démunis. Le manifeste laissé par les Diggers a semé le germe de la résistance. Dans les années 60, les hippies américains s’en inspirèrent pour revendiquer un terrain vague près de l’Université de Berkeley, en Californie, et y planter des légumes.

Ce n’est qu’en 1973 que le mot « guérilla » s’est greffé aux préceptes de cette guerre sans fusil. L’artiste new-yorkaise Liz Christy a alors fondé le groupe « Green Guerrillas », qui s’est mis à envahir la nuit les espaces abandonnés ou négligés pour les remplir de fleurs. En 2004, Richard Reynolds a repris le flambeau, avec des objectifs poétiques et sociaux. « Les fleurs sont la palette du jardinier, et nous nous en servons pour repeindre la laideur. Nous taguons le paysage, nous exposons dans la rue. Nous sommes des jardiniers du graffiti. Une façon d’embellir les villes sans permission. Et une invitation pour chacun à retrouver le geste du semeur en redonnant des couleurs au béton. »

Mission : réenchanter la ville

Jusque là, Richard Reynolds avait toujours vécu plus ou moins du bon côté de la loi. Diplômé en géographie de l’Université d’Oxford et en horticulture de la Royal Horticultural Society, il venait d’emménager dans une tour surmontant un rond-point maussade du sud de Londres - dans un quartier connu pour son labyrinthe de passages piétons souterrains, son centre commercial d’un rose criard et des volumes de trafic susceptibles de rivaliser avec les autoroutes les plus empruntées de Grande-Bretagne. « C’est là le genre d’environnement qui pousse au crime, raconte-t-il, le mien fut de jardiner sur l’espace public sans autorisation et de combattre tout ce qui se dressait sur mon chemin... »

Un proverbe chinois dit : « La fleur qui s’épanouit dans l’adversité est la plus belle et la plus rare de toutes. » Richard porta secours aux plates-bandes qui l’entouraient, puis il continua en refleurissant d’autres emplacements londoniens abandonnés. À Southwark, au centre d’un rond-point, dans l’ombre de l’obélisque en pierre calcaire presque tricentenaire de St George’s Circus, un parterre en arc abandonné ne comptait que deux cordylines hirsutes poussant au milieu d’un désert d’ordures. Depuis cinq ans maintenant, avec l’aide de bien d’autres, il l’a transformé en un joyeux jardin d’herbes et de buissons. Deux superbes phormiums occupent chaque extrémité d’un parterre d’azalées, d’asters, de bruyères et de pittosporum. Y poussent aussi des pieds de lavande et de romarin et des tulipes....

L’international du terrorisme tendre

Un enchantement. Spectaculaire et enthousiasmant. Le phénomène a fait des émules. D’Angleterre, il a gagné l’Europe continentale, pour revenir en Amérique, et une véritable « internationale du jardinage de combat » s’est mise en place, avec échange de techniques discrètes et de bonnes graines. Allez jeter un œil sur le site que Reynolds a créé. Visité par plus de 45.000 internautes par mois, www.guerrillagardening.org est le centre névralgique du réseau. Il regroupe les commandos de l’arrosoir du monde entier. On s’y affiche par un pseudo et un numéro. On s’y échange des tuyaux. On s’y donne rendez-vous par Internet pour préparer les opérations. Puis on décide du jour de l’attentat...au bulbe.

Action directe version jardinage

On y apprend qu’à Milan, Angela et ses amis ont ciblé un rond-point miteux de la Viale Umbria. Quelqu’un y avait planté un arbre, mais celui-ci trônait solitaire au milieu des détritus. Ils ont remodelé le site en aménageant un massif autour de l’arbre, où le groupe a planté de la lavande et des buis, et disséminé des graines de fleurs alpines. À Chicago, Sam courait avec sa femme près de Wicker Park, lorsqu’il remarqua un massif abandonné devant une maison de convalescence. Il rassembla bientôt quelques copains, et, la nuit, ils frappèrent un grand coup : ils descendirent dans la rue armés de lampes frontales et d’un chargement de buissons de genévriers, de roseaux plumeux panachés et de roses en fleurs. Ils recouvrirent la mince couche de terreau frais et y plantèrent aussi un assortiment de vivaces offert par une jardinerie locale, à la plus grande joie des résidents.

Le plaisir de semer la  beauté

Les ambitions des guérilleros jardiniers ne se limitent pas toujours à un parterre, un bac à fleurs ou un lopin abandonné bien précis. Certains sèment de la beauté dans des endroits moins fréquentés, laissant la nature et la chance jouer un rôle plus important. À Toronto, fatigués d’être matraqués encore et encore par des affiches publicitaires, Sean Martindale et Eric Cheung, respectivement artiste et architecte, ont ainsi créé des « affiches jardinières ». À l’aide de cônes incurvés, ils détournent les pubs en déposant des plantes qu’ils arrosent par de petites pulvérisations d’eau. « Le but n’est pas seulement d’embellir le quartier, mais surtout d’interpeller, d’éveiller les consciences en utilisant un symbole qui frappe, dit Sean. Et si possible, d’encourager à entreprendre le même type d’action. »

Un modèle à découper est disponible en ligne sur leur blog http://posterpocketplants.blogspot.com - car ces deux artistes en herbes mettent avec enthousiasme cette « idée gratuite » à la disposition de tous ceux qui veulent jardiner les panneaux de pub et les détourner de leurs fonctions commerciales.

Dites-le avec des bombes À... graines

Quand ce n’est pas avec binettes et râteaux que les guérilleros décident d’améliorer les terrains bétonnés de leur ville, c’est à l’aide de bombes végétales ou de grenades vertes. « Idéal pour végétaliser les espaces urbains difficilement accessibles, commente le site le la guérilla. Et simple à fabriquer. Prenez une boule d’argile, ajoutez un peu de terre, du compost, de l’eau, et insérez un mix de semences triées sur le volet. Laissez sécher. Ainsi compactées, elles sont facilement transportables et on peut ainsi les jeter par dessus n’importe quelle barrière et sur n’importe que terrain. Dans la plupart des cas, ça va pousser... »

Lucy, une illustratrice londonienne qui s’est autoproclamée « fée semeuse de poussière magique », a retenu la leçon. Elle éparpille des graines à tout va. Au printemps, elle sort rarement de chez elle sans en avoir en poche une poignée à semer. Sa principale cible a été la gare de Hither Green, où elle a dispersé des bombes vertes sur un terrain vague jonché de déchets de fast-food. Elle décrit maintenant sa station comme « le paradis des marguerites », un endroit où elle peut cueillir une fleur pour ses cheveux le matin avant la ruée des voyageurs.

Un plan d’action pour la France

Phénomène désormais bien implanté dans le monde anglo-saxon, le mouvement est en train de se développer en France. Dans la capitale, le groupe « Guerrilla Gardening Paris » annonce, comme un défi au gris que, « tôt ou tard, nous nous manifesterons dans votre quartier ». À Toulouse, « Rébellion jardinière 31 » prône la plantation sauvage de tournesols, « cette fleur de soleil pour égayer les trottoirs, ces cimetières d’excréments canins ». À Lyon, le collectif « On sème » a, de son côté, établi son premier jardin sauvage à Gorge-de-loup, sur un terrain squatté. Tomates, pommes de terre, haricots sauvages ou échalotes bio poussent dans les parterres municipaux.

Illégal, bien sûr, tout ça ! Cultiver des plantes dans un espace public est en effet considéré comme une dégradation au même titre que les graffitis. N’empêche : l’action verte et généreuse est souvent tolérée, voire appréciée, à l’heure où la plupart des grandes villes diminuent leurs budgets voués aux aménagements paysagers. Et puis, comme dit l’un des guérilleros : « Difficile de mettre une amende à quelqu’un avec pour motif : Plantation de fleurs ou de légumes. Souvent, la police ou des employés de la ville s’arrêtent pour nous demander ce qu’on est en train de faire, et passent leur chemin lorsqu’ils entendent la réponse : : « Ce qu’on fait ? On jardine.... »

Pour aller plus loin

À lire : La guérilla jardinière, le livre de Richard Reynolds, éditions Yves Michel. Un manuel complet avec tout ce qu’il faut savoir, astuces, plantes, fabrication de bombes à graines, pour devenir guérillero jardinier.

À consulter : www.gerrillagardening.org : le site du mouvement avec les multiples photos et vidéos des interventions du monde entier..

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